Swing

Le jazz s’évade de l’intimité du cabaret pour s’intégrer à l’univers du spectacle et animer les grands dancings populaires, à New York notamment (Savoy, Cotton Club). Il entreprend de se discipliner et de s’établir en formations plus spectaculaires donc plus étoffées : les années 30 sont celles du grand orchestre ou big band.

Le jazz, aux Etats-Unis, connaît une vogue croissante qui culminera avec, en 1938, le concert historique de l’orchestre de Benny Goodman, au Carnegie Hall, salle de concerts classiques fréquentée par la haute société.

Le jazz devint synonyme de joie de vivre et l’on appellera époque swing (Swing Era) la période qui va de 1938 à 1944.

Le Swing suscite à la fois des solistes spectaculaires et de grands orchestres bien rodés, soucieux, avant tout de favoriser la danse.

                             Duke Ellington

 

Les musiciens tendent à délaisser le rythme du Nouvelle-Orléans pour un rythme à quatre temps égaux, autorisant un rebondissement bien plus souple.

Le premier en date de ces orchestres est celui de Fletcher Henderson. C’est lui qui mit au point cette conception générale de l’arrangement sur laquelle les grands orchestres actuels vivent encore (King Porter Stomp). Il faut citer, à sa suite, les formations de Jimmie Lunceford (For Dancers Only), Chick Webb (A Tisket a Tasket avec Ella Fitzgerald), Benny Goodman (Sing Sing Sing), et bien sûr celles de Duke Ellington et Count Basie qui marquent particulièrement le secteur du grand orchestre.

 

Le pianiste Duke Ellington usant des timbres de sa propre formation comme d’un instrument personnel, a inventé un jazz raffiné composant un univers tantôt sauvage (Ko Ko), tantôt voluptueux (Mood Indigo), funèbre (Black and Tan Fantasy) joyeux (Rockin’in Rhythm) ou sentimental (Sophisticated Lady). A partir de 1945, il a élargi les possibilités expressives de son art en composant de vastes suites pour orchestre (Black, Brown and Beige).

 

 

Son orchestre a retenu quelques-uns des solistes les plus représentatifs du middle jazz : le saxo alto Johnny Hodges, le clarinettiste Barney Bigard, le saxo ténor Ben Webster, le saxo baryton Harry Carney, le tromboniste Sam Nanton, le cornettiste Rex Stewart et le trompettiste Cootie Williams, pour qui il a écrit un chef d’oeuvre, Concerto for Cootie.

Count Basie, un autre pianiste, est le représentant essentiel du style Kansas City, où l’arrangement à la Fletcher Henderson est repensé à travers un goût très affirmé pour le blues, le boogie-woogie  et l’utilisation des riffs. Le jazz de l’orchestre Basie est avant tout souple et dynamique (One O’Clock Jump, Tickle Toe, Swingin’the Blues).

 

Après une petite éclipse dans les années 40, le big band prendra en 1952 un nouveau départ, développant encore sa puissance par la mise au point d un vigoureux phrasé de masse (Shiny Stockings).

 

 

La première phalange de Basie - antérieure à 1944 - rassembla, elle aussi, quelques-uns des plus prestigieux solistes du middle jazz : les trompettistes Buck Clayton et Harry Edison, le trombone Dicky Wells, et surtout le saxo ténor Lester Young, au style à la fois détendu et fermement articulé et qui après avoir quitté l’orchestre, devait graver, en 1945, une des plus belles improvisations de l’histoire du jazz, These Foolish Things.

 

A l’opposé du jeu linéaire de Lester Young il y a Coleman Hawkins, « père du saxo ténor » au style généreux et rhapsodique, et dont le Body and Soul constitue le manifeste de toute une école où s’illustrèrent Don Byas, Illinois Jacquet et Ben Webster.

 

A l’ombre de Johnny Hodges, le plus prestigieux saxo alto middle jazz (On the Sunny Side of the Street), il y a Benny Carter improvisateur élégant et fin (Crazy Rythm). C’est dans cette période aussi que s’affirment le trompettiste Roy Eldridge et les deux noms les plus célèbres de la guitare Charlie Christian (Solo Flight) et le français Django Reinhardt (Nuages).

 

 

Quatre pianistes hors pair s’imposent également, le premier par son impétuosité, Earl Hines (Rosetta), l’autre par sa musicalité, Teddy Wilson (Someday Sweetheart), le troisième par la saveur robuste de son swing, Erroll Garner (Caravan), le quatrième par son imagination et sa virtuosité, Art Tatum (Get happy).

 

Une chanteuse riche de verve et de tempérament, Ella Fitzgerald, entame une spectaculaire carrière : (How High the Moon), une autre énonce une amertume tragique qui la conduira à la mort : Billie Holiday (Strange Fruit). La perfection rythmique de l’ère swing doit beaucoup aux batteurs (Jo Jones d’abord batteur de Count Basie, Cosy Cole, Chick Webb et Sidney Carlett), ainsi qu’aux bassistes Jimmy Blanton, de chez Ellington; et Walter Page, de chez Basie. Elle doit tout autant à cet ancien batteur devenu vibraphoniste, Lionel Hampton, tempérament inventif et bouillant qui, après avoir animé, à la fin des années 30, de petites formations à l’admirable équilibre (When Lights Are Low est l’illustration exemplaire du swing), a dirigé un grand orchestre au tonus énorme (Flying home).